18 janvier 2011

La dame de la ruelle

  Un vieux bout de trottoir gris le long d'un mur crasseux. De vieilles affiches déchirées, délavées, illisibles. Un réverbère fortement incliné, dont on se demande pourquoi il n'est pas encore tombée sur le goudron de la rue, vomit une lumière blafarde. Ici et là, quelques crottes de chiens bien sèches. Pas âme qui vive. La haut, presque à la verticale le disque jaune de la pleine lune. Quelque part un chien hurle à la mort. D'une poubelle renversée s'échappe mollement un rat de belle taille.
  Tu parles d'un décor, le pire c'est que je ne sais même pas où je suis ni comment je suis arrivé là ! Tout ce que je sais c'est que j'en ai pris une bonne, une bonne murge . Avec qui et ou j'étais, je ne sais plus. En fait je ne sais plus rien. Un marteau cogne dans mon pauvre crâne au rythme des battements de mon cœur, j'ai la nausée. Pas chouette le gars, plus sale qu'un vieux clodos en plus. Je viens de m'apercevoir que je suis assis sur le trottoir, adossé au mur. Il me manque juste un chien et une pancarte pour parfaire le tableau. Tiens, le chien justement le voilà, un bon vieux corniaud aux grandes oreilles, il s'approche de moi, tranquille, pas farouche, me lèche la main et me regarde avec ses grands yeux jaunes. Il à l'air de se foutre de ma gueule, gentiment, puis il reprend sa nocturne errance.
  Mes yeux se referment un moment, j'entends un bruit, quelque chose qui roule, pas trop vite. J'ouvre les yeux et je vois. Une élégante, toute de noir vêtue, longue chevelure couleur de nuit, sur une..trottinette. Elle s'arrête, me regarde. je sens que j'ai l'air idiot, les yeux et la bouche grands ouvert complètement stupéfait par cette improbable et féérique apparition. .
  Arrivée à ma hauteur, elle fait comme le cabot, elle s'arrête et me regarde, me jauge des pieds à la tête et plonge sont regard de braises ardentes dans le mien. Son visage est un peu dur, juste assez pour me tenir à distance. Elle me lance un " Ça va aller ? " vaguement inquiet. Je lève péniblement la main et tente de lui répondre que ça pourrait être pire . …Ce que je me suis entendu dire n'avait pas vraiment de sens, moi même je ne me suis pas compris. Du coup, devant le ridicule de ma situation j'ai éclaté d'un beau rire d'ivrogne. Elle a sourie en plongeant la main dans son sac et m'a tendue une cigarette. Enfin,.. elle a allumée une cigarette et me l'a glissée entre les lèvres et elle est repartie légère comme une plume sur sa trottinette.   
  Je l'ai regardé s'éloigner. Son image est restée avec moi bien après avoir disparue. La clope s'est consumée toute seule entre mes doigts je crois. Plus tard quand le froid du matin m'a de nouveau réveillé sa silhouette élégante propulsait toujours sa trottinette dans mon esprit. Je me suis endormi avec elle et au réveil elle était toujours là. Nous avions passé la nuit ensemble d'une certaine manière.
  En titubant je suis rentré chez moi, avec elle, la dame de la ruelle, dans ma boite à souvenirs. Elle est toujours dedans aujourd'hui, et depuis quarante ans.

 

 

 

 

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